Pastiche de Réjean Ducharme
N.B.: Une pastiche consite à écrire à la manière de quelqu'un d'autre. C'est un travail que j'ai dû effectuer suite à la lecture de L'AVALÉE DES AVALÉES de Réjean Ducharme. J'ai, pour ma part, décidé de mettre l'emphase sur 1-les métaphores 2-Les intertextes (références à d'autres oeuvres avant la nôtre). Amusez-vous à en trouver le plus possible!!!! :D
LA TRAQUEUSE DE MÉTAPHORES
Je suis Alyssia Corelli. J’aurais aussi bien pu être Anne, Gretchen, Mary de Manaos, Émilie ou une autre. Mais aujourd’hui, j’étais Alyssia Corelli de la racine des cheveux jusqu’au bout des ongles d’orteil. Alyssia Corelli n’a pas d’amis. Elle vit sous l’ombre d’un saule, orpheline, et capture le vent avec son violon pour le faire pleurer. Le vent est une métaphore. Alyssia est une traqueuse de métaphores. Je chasse et traque les métaphores comme d’autres le font avec les papillons. Mon violon est un filet qui les emprisonne et, de mon archet, je peux les manipuler à ma guise. Émile Nelligan, lui, les enfermait dans un livre, entre deux pages, pour les faire sécher. Mais moi, je préfère un violon. Un violon c’est vivant. Un livre c’est mort.
J’aime Émile Nelligan. Je l’aime tellement que même la folie aurait peur de se confronter à moi. Je lui ai même rendu visite, une fois. C’était merveilleux. Cette nuit-là, j’étais Gretchen, et j’ai chauffé son cœur en crachant mon souffle brûlant dans sa gorge. Il me rendit la pareille. Je surchauffais à l’intérieur de moi. J’avais l’impression d’être soudain prisonnière d’un château noyé en plein désert. Il me semblait entendre un être autre que moi hurler dans ma tête, heurtant les parois à en faire mal : «ICI YTAKA, LA VOIX DE VOTRE CONSCIENCE, LA VOIX DE VOTRE SALUT, ICI YTAKA, VOS PÈRES/MÈRES, FRÈRES ET SŒURS, SUPER BAISEUSE/BAISEUR! SOYEZ SANS CRAINTE, JE SUIS LÀ; DORMEZ SANS INQUIÉTUDE, JE VEILLE…». Mais bien vite, la voix est tombée de ma tête et est venue se terrer entre mes jambes. Neuf heures plus tard, Émile accoucha d’un poème en un frisson d’hiver.
Mais ici, j’aime Noah. Les fois que je l’ai trompé ne se comptent plus sur le bout des doigts, mais je l’aime quand même. À vrai dire, plus je le trompe, plus je l’aime. Je le trompe pour me prouver que je l’aime. Avec lui, j’irais n’importe où: nous gueulerions avec les loups, ferions pousser des enfants, n’aurions pas d’argent; nous déjeunerions d’aurore et souperions d’étoiles. Nous irions ensemble jusqu’à une clairière de lune laissée par la pleine lune sur la mer, nous la suivrions jusqu’à une porte et rentrerions dans la lune. Nous ferions de même avec le soleil couchant. Avec lui, je vivrais l’impossible, du lever du soleil jusqu’au coucher de la lune.
Par contre, Noah en aimait une autre : Geneviève. Il l’aimait parce qu’elle était laide, parce qu’elle faisait pitié avec sa voix pâle et ses allures de mariée cadavérique. «Tu n’as aucune chance» m’avait soufflée la voix de Betty, mais moi, qui étais alors Iseult la blanche, je m’interdisais de la croire. J’allais récupérer mon amant coûte que coûte. Si jamais je me mariais, ce serait avec Noah ou un crocodile. Je les suivais partout, Noah et sa Geneviève en phase de décomposition avancée. Je les voyais se donner la main, je les voyais se jeter l’un dans les bras de l’autre, je les voyais s’embrasser. Ce que je la détestait! Ça me rendait malade à en avoir la nausée. Puis un jour, je les ai vu se chicaner. Oh, comme il faisait bon d’entendre les couteaux voler bas entre ces deux-là! Je me sentais devenir diabolique. Leur dispute était sanglante, et pourtant, aucun n’osait vraiment se laisser, comme s’ils jouaient à faire semblant que tout allait bien quand même. Puis, finalement, Geneviève prit la brillante initiative de partir.
-Tu me quittes, c’est ça? réalisa soudainement mon beau Noah, tout piteux.
-Je ne sais pas…Je vais y réfléchir. Si demain tu me vois avec une tresse, c’est que je t’ai pardonné. Si j’ai les cheveux détachés, alors là c’est fini et je ne veux plus te voir.
Le lendemain, Geneviève face-de-poisson avait une grosse tresse graisseuse qui lui pendait dans le dos. Mais Noah, ce jour-là, était resté cloué au lit par un vilain rhume. Je suis donc allé le voir.
-Dis-moi…Aurais-tu remarqué comment Geneviève était peignée aujourd’hui? me demanda-t-il.
-Oui.
-Alors : comment était-elle?
-Elle avait les cheveux détachés.
Là, Noah s’est mis à pleurer. Que c’est laid un gars qui pleure! Je déteste voir les gars pleurer, ils ont l’air faibles. Bref, ils ont l’air de tout sauf de des gars.
Puis, en un éclair, j’étais devenue une autre. J’étais maintenant Allie.
-Allez viens Noah; allons à la plage! Me suis-je écriée.
-Tu es folle ou quoi?
-Oui; je veux que tu viennes à la plage avec moi.
Il n’a pas bronché, même s’il savait que cette sortie allait aggraver son rhume. Il me suivait, puis soudain, je me suis mise à courir vers les vagues en agitant les bras comme pour m’envoler.
-Mais qu’est-ce que tu fais? S’est-il inquiété.
Je suis donc revenue à lui en courant de la même manière.
-Noah, dis-moi que je suis une mouette!
-Mais qu’est-ce que tu dis-là? Tu n’es pas une mouette…
-Allez, s’il te plait! Dis que je suis une mouette!
Sur ce silence, il s’avança vers moi et me prit dans ses bras.
-Si tu es une mouette, alors moi je suis un restant de frites du Mcdo, murmura-t-il à mon oreille.
-Hummm… J’aime les frites du Mcdo.
Puis, comme pour le goûter, mes lèvres se sont jetées sur les siennes et nous nous sommes embrassés. C’était délicieux. Les vagues ronronnaient tout prêt, le vent venait nous chatouiller de son arrière-goût frisquet.
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